baillements

des relents de cendards et de latrines

Dimanche 4 septembre 2011 à 1:56

j'avais plein de choses à dire. des trucs un peu moins cons qu'une semi déclaration d'amour qui pue le rosé renversé sur fond d'alain souchon. j'avais des phrases de mamans plein les poches, de celles qu'on n'aime pas entendre mais qu'on écoute. peut être.
j'ai tout fait. des mots fléchés, servi du whisky à des inconnus, ri en éclatant du papier bulle, mais je n'ai rien dit.
c'est dommage. c'est tout c'que ça peut faire.

Mercredi 20 avril 2011 à 15:32

c'était entre laval et rennes. dans un train grande vitesse. un train grande fatigue. les contrôleurs n'apprécient pas les jeunes aux gueules cassées, sans papiers, sans ticket, alors ils passent un coup de fil à un trentenaire dégingandé portant un brassard. le gars, il dit qu'il est pas là pour rigoler, et que s'il trouve permis ou autre document permettant de vérifier notre identité, ça va mal aller. moi, je sors tout de mon sac, essayant tant bien que mal de cacher les petites cartes enfouies dans ma poche secrète. quand il me demande ce que c'est, c'est honteusement que je lui tends des cartons délicatement découpés dans un album d'où est charlie, une semaine auparavant.

Mercredi 6 avril 2011 à 5:27

nous sommes le douze novembre, je me retrouve encore à croix de chavaux dans ce grand bâtiment rue clotilde gaillard, mais cette fois, b est là. ça change un peu tout. les gens me paraissent moins cons, et ça ne me dérange plus d'offrir une gorgée de bière au premier quidam ou de rire pour un rien. dans ce qu'ils appellent salle principale, se tient une sorte de réunion où de vieux communistes discutent d'on ne sait quoi. de toute façon, on s'en fout, la priorité, c'est manger. nous ne sommes que cinq à table, peut être six, et très vite, écouter le débat s'avère presque une obligation. moi, je regarde jp, et remarque que sa tête est étonnamment grande comparée à celles qui l'entourent ; ça crève les yeux quand on l'observe de profil. il semble suivre le discours passionné de son voisin avec attention, mais lorsqu'il lève la main pour prendre la parole avec les sourcils froncés du type qui n'est pas d'accord, c'est pour demander : « non mais excuse moi... t'as pas une cigarette steuplait ? »

Vendredi 1er avril 2011 à 5:32

c'était un de ces dimanches. de ceux qu'on considère à peine comme un lendemain de samedi tant le sommeil manque. il y avait moi, la faim, Y, et l'envie de ne voir personne. une envie tellement puissante qu'acheter un kebab avec boisson pour sept euros me paraissait, malgré mon découvert, un bon compromis pour éviter de me taper belle famille et huîtres dominicales.
les kebabs du loiret sont comme à paris, à la seule différence qu'on peut se brosser pour avoir de la mayo sur les frites, et qu'ils sont dégueulasses. tout pareil sinon.

Mardi 1er février 2011 à 17:51

la bonne femme qui nous parle a les dents de toutes les couleurs. du doré au noir, en passant par le gris et le marron. elle dit qu'il fait froid, qu'il fait pas chaud, qu'il y a du vent, le tout en comprimant son écharpe sur un menton attaqué de poils gris et de sauce tomate séchée. elle dit qu'elle achète une lessive discount parce qu'elle est à la retraite. elle dit ça parce que je fixe ses linges tout tachés. elle fait un bastringue pas possible pour justifier tout ses achats.

Mercredi 19 janvier 2011 à 18:35

là, sur mon siège de scénic puant la pisse de clébard et le gâteau d'anniversaire, j'écoute jacky sermonner son fils de bientôt trente ans qui, les oreilles rouges de honte, marmonne des « chai pas » d'ado paumé à chaque question un peu débile. « quand est ce que t'arrêtes de fumer ? faut que t'arrêtes de boire, tu crois pas ? tu me fais chier, tu le sais ça ? » « bah chai pas. » je déteste ce genre de situation : me retrouver à l'arrière d'une voiture schlinguant le patricide, à serrer le cul pour pas qu'il trempe dans l'urine, je déteste ça.
après, je comprends qu'on puisse en vouloir à son fils d'avoir été ivre mort devant famille et amis. bourré à s'en péter la gueule avec un môme dans les bras. le môme de sa propre soeur même. mais que les yeux de jacky me fixent dans le rétroviseur et me balancent un « tu trouves pas ça minable toi ? », ça, je comprends pas.
ce soir là, jacky a soufflé ses soixante bougies l'air amer, le nez humide, et quand il s'est mis à me raconter sa vie, celle qu'on trouve un peu moche après deux trois verres de trop,  j'ai trouvé ça minable.
 

Jeudi 6 janvier 2011 à 2:08

on le sait depuis longtemps, les vigiles du batofar cultivent une haine poussée à l'extrême envers ces hippies pacifistes qui, puant la bière vide et le soja, négocient pendant trois plombes l'entrée de leur pote gisant ivre mort sur le pavé. sobre et dépourvue de tout tissu de chanvre, mon entrée se fait sans encombre, et sur la terrasse, je rencontre cette fille, maéva, avec qui on me confond sans arrêt, et sans raison. je n'ai jamais vraiment compris cette confusion. du moins jusqu'à ce soir : elle est la réplique exacte de la petite fille que j'étais à quatre ans. quatre ans, c'est la période lors de laquelle mes moufles étaient encore reliées aux manches de mon anorak par de minces cordons de laine bleu marine. c'est la période de mes bottes en caoutchouc, de mes pantalons en velours côtelés bicolores et autres conneries, du style, chapelet dérobé à une camarade, ou bonnet plein de poux. émue, je ne peux m'empêcher de payer une roteuse à l'enfant que j'étais qui, appréciant le geste, m'en paye une en retour. et ainsi de suite.
à l'aube, complètement fauchée, je décide de quitter lutèce et ses bateaux pourris qui ne sont bons qu'à bouffer le fric des honnêtes alcooliques, et m'enterre dans une bourgade du loiret où boire l'apéro se fait toutes les trois heures, et où ma presque belle famille qui me connaît depuis moins de vingt-quatre heures se permet de faire des blagues de cul devant moi. des blagues qui ne peuvent de toute façon pas se faire devant quelqu'un d'autre, puisque le cul en question, c'est le mien.


Lundi 22 novembre 2010 à 21:18

ce dimanche matin, au réveil, ce ne sont pas les concerts de pituite qui m'emmerdent. ce ne sont pas non plus les hésitations entre pourparlers et offensives, ni les zigotos qui me demandent toutes les cinq minutes si je veux un petit caoua ; non ça, ça me laisse de marbre. après, se retrouver dans un squat où pour se barrer, il faut attendre quatorze heures parce que tu vois « on sait jamais ce qu'il peut se passer, les mecs d'hier peuvent revenir alors faut sortir en groupe » déjà, ça, c'est chiant ; mais être persuadée de mentir en répétant à guillaume « non chu pas amoureuse », pour ensuite réaliser qu'il n'y a rien de plus vrai que cette affirmation, ça rend vite un dimanche matin insupportable.

Samedi 6 novembre 2010 à 21:11

au supermarché, c'est la nouba : « pléthore de cadeaux à gagner sur tirage au sort, une chance sur deux de rentrer chez soi avec une cafetière en plastoc ou autre connerie du genre ». c'est à quelques mots près ça, qu'hurlent les enceintes aux quatre coins du magasin.
dans mon dos, j'entends la ménagère de moins de cinquante ans type demander à un employé « alors, c'est quoi qu'y'a d'bien à gagner à votre jeu ? » et lorsque ce dernier lui apprend que, parmi toute la gnognote proposée, se glisse une télévision numérique, elle me regarde, regarde son mari, et tout deux décident d'un commun accord que vue ma tronche, ils ont le droit de me doubler. je ne dis rien et laisse bobonne poser les bières bon marché de son alcoolique de mari sur le tapis roulant. ça a l'air de la rendre heureuse. surexcitée, elle paie la caissière - qui en plus du ticket de caisse, lui tend le petit carton nécessaire au tirage au sort - et court tenter sa chance à l'entrée du magasin, complètement hystérique.
quand c'est mon tour de payer, je ne peux m'empêcher de lâcher un rire de phoque lorsque j'aperçois que, dans la précipitation, bobonne a oublié sa carte bleue dans la machine.
 

Mercredi 3 novembre 2010 à 4:28

quand maman est tombée, j'ai eu le réflexe un peu idiot de lui poser ces questions qu'elle-même avait posées dix sept ans auparavant à un type qui s'était viandé sous nos yeux. foutu verglas. des questions qui dans la plupart des cas, installent de suite une complicité, du style « vous avez des enfants vous aussi ? combien ?  quel âge ? ». le genre de questions rassurantes auxquelles vous répondez volontiers ; pas de « vous faîtes quoi comme boulot ? » ou autre, car maman se doutait bien que la raison pour laquelle ce pauvre zigue gisait ainsi à terre était justement qu'il n'avait pas voulu y arriver en retard, au boulot. elle s'en doutait parce qu'elle aussi était à la bourre ce matin-là, et qu'elle aussi avait voulu courir telle une biche en danger pour avoir son train. fort heureusement pour elle, moi, me presser et tomber, c'était pas trop mon truc à l'époque.
maman a donc enchaîné toutes sortes de questions susceptibles de faire oublier au quidam qu'il était en train d'attendre les pompiers, la tête sur les genoux d'une inconnue, le cul dans la glace, et étant donné le sourire de bambin qu'il nous a adressé en disparaissant dans le camion rouge, la technique est infaillible. in-fail-li-ble, alors quand maman est tombée, c'est tout naturellement que j'ai reproduit ce que mes yeux de môme avaient vu ce jour-là :
- t'as des enfants ?
- oui
- combien ?
- euh, avec le chien, ça fait trois.

Jeudi 30 septembre 2010 à 12:30

je n'aime pas beaucoup être seule dans montreuil, jp me donne donc rendez-vous à dix neuf heures au métro croix de chavaux . pour danser. c'est ça qu'il me dit au téléphone. « on dansera. »
à trop vouloir être jolie, je suis en retard, c'est donc claire que je retrouve en haut des escaliers de la station. claire, elle est sympa, elle rit à mes blagues, même celles qui ne m'amusent pas vraiment, et elle me fait pas chier avec ma vie estudiantine.
une bière plus tard, j'atterris dans une sorte de hangar où s'entassent des visages plus ou moins familiers. jp est là, au fond, et le bouton que j'ai percé dix minutes auparavant devant la vitre du métro forme une croûte qu'il ne peut s'empêcher de gratter. je n'ai pas le temps de m'installer qu'un type annonce déjà, « bon, c'est l'heure » et sous mon regard ahuri, tous partent faire le guet rue clotilde gaillard. j'ignore dans quel but. faut dire qu'ils sont tous un peu cons. comme je ne sais pas, et que je ne veux de toute façon pas savoir ce qu'on est en train de faire, je m'assieds sur un bout de trottoir. sur celui d'en face, jp fume une clope imaginaire, étendu de tout son long sur un matelas du genre plutôt dégueulasse.
« viens avec moi » qu'il dit tout fier en tapotant le lit.
je ne suis pas tout à fait allongée quand il pose sa tête sur ma hanche, alors je dis quelque chose de bête comme, « tu ressembles à mon chien, sauf qu'il pique pas, mon chien. il est doux. pourtant il a une moustache. »
quoiqu'il en dise, il fait trop froid pour rester sur ce matelas toute la nuit, c'est donc à pascal et maud qu'on demande asile, et chez eux qu'on finit.

après trop de whisky, jp s'endort, suivi de près par pascal. ne reste plus que maud et moi pour finir la bouteille et raconter des conneries sur du wagner.
trois heures du matin, il se réveille en sursaut, regarde maud, me regarde, et dit, « putain faut pas que j'oublie d'aller te chercher à dix neuf heures. » puis il se rendort.

Jeudi 5 août 2010 à 9:00

ils ont vidé l'appartement et ils sont partis.
les seules traces de leur passage sont les phrases sans queue ni tête de la porte d'entrée, et cette putain d'odeur de litière pour chat qui nous filait tous la gerbe.
ne reste que la mezzanine dans laquelle je dormais quasiment tout le temps, et ce dans l'unique but de pouvoir observer maude préparer le petit dèj des adultes attardés que nous étions.

Jeudi 1er juillet 2010 à 4:15

à six ans, j'étais déjà victime de mon franc parler, ou plutôt de ma franche connerie. malgré tout, j'étais au cours préparatoire, je lisais très bien, et j'avais une trousse bleue et jaune qui, j'en étais certaine, se mariait parfaitement avec mon cartable brun et violet. un cartable de vrai petit garçon dont la marque brodée s'abîmait déjà, dommage dû à ma fâcheuse tendance à traîner le malheureux sur le bitume les jours de grande flemme. je disais n'importe quoi à n'importe qui, ce qui m'a un jour valu plusieurs coups de ballon de basket dans la tête et les côtes.
la plupart des cours préparatoire se connaissaient depuis la maternelle, alors le premier jour, j'ai mangé seule à la cantine. seule à une table où il y avait quatre filles de cours moyen qui, pour une raison qui m'échappe encore maintenant, s'obstinaient à m'adresser la parole et à me servir de l'eau malgré mes trente deux ans certifiés par le fond de mon verre. au dessert, comme c'était la rentrée, on a eu de la glace. ça les rendait toute chose : elles riaient parce que ça faisait froid sur leurs dents et tout. tout en riant, l'une a dit, bon, la dernière qui finit sa glace, elle débarrasse. moi je voulais pas trop débarrasser, je savais pas comment faire, et j'avais même pas commencé ma glace. aujourd'hui, je sais bien qu'elles ne m'auraient jamais fait débarrasser, moi la petite à qui on sert gentiment de la flotte, mais à six ans, mon premier reflex fut de mettre la glace dans ma culotte.

Mercredi 23 juin 2010 à 19:38

au collège, en sixième, il y avait johanna. johanna, elle avait déjà redoublé, et je trouvais ça au moins aussi fascinant que cette constante bave séchée qui ornait les commissures de ses lèvres. j'avais d'ailleurs émis l'hypothèse que cet excès de salive était dû à son accent marseillais et à son incapacité à prononcer correctement les mots côte, jaune, ou rose, mais j'ai vite compris que dire cate de porc, jane poussin, ou rase bonbon n'avait rien à voir là dedans.
johanna, elle avait déjà redoublé et elle faisait déjà des colorations toute seule. un jour, ses mèches blondes ont viré au blanc, et les gamines de douze ans -de celles qui insultent et qui se battent- nous ont regardées de bas en haut, les quinquets dégoulinants de mépris. de très haut. du très haut des cheveux blancs de johanna. tout ça, c'était juste pour faire mal, et moi je voulais pas avoir mal, alors j'ai fixé les cheveux de johanna avec dégoût. je m'en voulais de faire ça, mais c'était plus fort que moi. je voulais pas avoir mal.

Mardi 11 mai 2010 à 14:54

quand nos deux ivrognes de guides réalisent que nous avons pris la ligne treize à l'envers, ils décident de traverser les rails du métro. moi je sais que c'est pas bien, mais je n'aime pas m'imposer quand j'en ai trop dans le gosier, car je sais aussi que, jouer la voix de la raison peut s'avérer être un puissant vomitif. l'appartement de guillaume, c'est pas vraiment un appartement : quand j'enlève mon pull, je me cogne les mains au plafond. c'est un grenier au niveau moins un. pas une cave, ni un garage, vraiment un grenier. chaque fois que je veux m'étirer, mon poignet se casse sur le béton, du coup ça me rappelle ma gueule de môme qui se mange le plafonnier de ses camarades aux goûters d'anniversaire.

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