baillements

des relents de cendards et de latrines

Lundi 3 mai 2010 à 4:03

d'un côté, ça me rend triste d'être au volant et de croiser le regard d'une semi toxico à chaque coup d'oeil dans le rétro. elle parle de ses excursions à prisunic sous kétamine et semble trouver ça cool. son copain rit à l'écoute de ses souvenirs de drogués, et lui caresse la cuisse en disant, « c'est comme quand on était au restau et qu'on était à balle de c ». vraiment, ils sont unis par les liens sacrés de la poudre.
je commence à zigzaguer sur l'autoroute, alors, malgré leur passion pour l'autodestruction, ils me supplient de m'arrêter à la prochaine aire.

Jeudi 15 avril 2010 à 19:53

sa cicatrice sur la nuque, on dirait un thermomètre, quand je passe mon doigt dessus je peux sentir les graduations. là je dirais qu'on frise les vingts, vingt cinq degrés t'en dis quoi. que t'as l'air d'une pimbêche, qu'il dit. j'ouvre les yeux, et vois mes lunettes elvis sur son front, maintenues par des rides taquines. je commence à me sentir mal, et il m'explique que c'est le mélange bière/lait dans mon estomac. une histoire de levure qui gonfle à cause du lait ou quelque chose du genre. tachycardie héréditaire, chapeau de paille à trente cinq franc, marlboro, ça te dit pas de rester un peu plus longtemps ?

Mardi 6 avril 2010 à 0:43

de fil en ricard, je m'encroûte dans l'ivresse la plus pernicieuse, mais fort heureusement, la salade piemontaise est aisément dégobillable, surtout quand on porte des talons. je suis bien à l'aise à quatre pattes devant la cuvette. gueule de pute cassée, guibolles flageolantes, poignet mou, je me sens mannequin. quand je sors des toilettes, je ne ressemble plus à grand chose, j'étais beaucoup plus sexy trente secondes auparavant, quand j'étais au fond du trou. c'est pas juste.

Jeudi 1er avril 2010 à 9:06

autour d'un veau mort et de quelques oignons, le cousin de ma mère parle du pédophile qui trainait dans le collège où il bosse. il est complètement bourré, et entre deux blagues de cul, il dit à mon père, ce qu'elle est belle ta fille, elle doit être amoureuse pour être aussi jolie. parfois, la politesse dégage vraiment des odeurs de putréfaction avancée. surtout à ce moment précis. entre les deux blagues de cul du cousin, mon père dit, je sais pas si elle a une tête à être amoureuse. moi, ce que j'sais pas, c'est comment prendre ça, mais on trinque quand même à ma santé et à celle de mon amoureux imaginaire.

Mercredi 31 mars 2010 à 7:10

la tête au dessus de l'évier, je repense à cette anecdote qu'il m'a racontée une bonne dizaine de fois dans la même soirée tellement il était bourré. ça donnait un truc du genre : j'étais pressé tu vois, et j'ai enfilé mon écharpe, mais en fait c'était le collant d'ma belle mère. chaque fois, il mettait deux minutes pour lâcher cette pauvre phrase tant il rigolait. la tête au dessus de l'évier, je repense à cette anecdote, à son rire débile lorsqu'il me la racontait, et je souris. je commence à rire discrètement tout en détaillant les tasses et leurs résidus de café afin de garder mon calme, mais le peu d'imagination que j'ai suffit pour métamorphoser ces fins dépots en une paire de collants. je sens que je perds tout contrôle, je tremble. et j'éclate de rire. et j'en chiale. cheveux dans l'évier, sous vêtements blancs, rire tonitruant, il faut dire que je suis assez ridicule. il est six heures du matin et je risque de réveiller tout l'immeuble à cause de cette histoire même pas drôle. plus rien ne peut m'arrêter, pas même ma mère qui débarque brusquement et hurle, ta gueule alexe va dans ta chambre. pas même elle, parce qu'elle a ri aussi en voyant mes cheveux badigeonnés de café.

Mardi 16 mars 2010 à 2:17

avec maud, on rit la gueule grande ouverte en criant fossette ! à chaque apparition de fausse cellulite sur nos enveloppes corporelles. la fausse cellulite, c'est celle qui se creuse sur nos cuisses quand on est assises en tailleur et qu'on se penche un peu trop. on rit de nos fossettes crurales, et leur nombre se multiplie par trois quand on rit à en avoir le bout du nez sur le plancher. je mets du wagner à fond, et aucun voisin ne se plaint. il y a ce type, il a deux ou trois ans de moins que moi, ça doit être la raison pour laquelle maud ne m'appelle plus par mon prénom mais par la douce expression, détournement de mineur. détournement ou pas, il est très beau. il a une petite cicatrice blanche au coin de l'oeil gauche, et une rouge, plus profonde, au dessus du sourcil gauche. moi, j'aime bien passer mon pouce sur la rouge pendant qu'il me parle de la tête d'indien qui squatte mon pot de lucky strike ou de mon pull échancré. il utilise la même lessive que p, fait tourner des cédés comme première consultation de doc gynéco, et, à ma grande surprise, entame en même temps que passi et moi : ça pue la merde, ça sent l'herbe, les gens sont commes des serbes. quand il fume, il fait tomber de la cendre sur ma clavicule, l'enlève délicatement de sa main gauche, et en profite pour me faire cette remarque assez étrange et flatteuse : tu as de très jolies clavicules.

Samedi 13 mars 2010 à 2:01

j'ai huit ans. c'est noël et maman prépare le repas. avec mon demi frère, on mange du gruyère parce qu'on en peut plus d'attendre la viande, et que le saumon et le foie gras, on trouve ça dégueulasse. couteau en main, je dis, j'aime bien couper le gruyère en petit morceau parce qu'on dirait qu'il y en a pluuuusseuh. ces cinq derniers mots, on les a prononcés à l'unisson mon frère et moi. la folie gastronomique de la fillette que je suis est déjà très prononcée dans ce, pluuuuusseuhh. mon frère, lui, le prononce avec ce ton mielleux et complice qu'on utilise avec les gamins. ce même ton dont on abuse quand les personnes qu'on aime racontent des conneries, mais qu'on ne veut pas les vexer. on boit du jus nectar pêche orange de chez ed, et il essuie mon nez avec un saupalin quand il voit que, complètement absorbée par mes carrés de gruyère, j'oublie de renifler ou de me moucher. ma grande demi soeur, elle aime bien le foie gras et tout le schmilblick , donc quand mon frère propose de jouer à, si tu rigoles à la blague t'as perdu, elle nous ignore. mon frère commence sa blague par un solennel, histoire drôle carambar, et moi, dans un éclat de rire, j'improvise une fondue avec ma morve et mon gruyère.
puis il y a barbie équitation qu'on martyrise, et le dessein machiavélique de casser la binette à minnie pour que j'hérite de sa robe à pois.

Jeudi 11 mars 2010 à 19:07

il fait chaud. je ne porte pas de soutien gorge, et la mince partie de peau prisonnière de ma poitrine sécrète des gouttes de sueurs qui glissent toutes dans mon nombril. étant très chatouilleuse, je n'arrête pas de rire. on est fin juin, jp est tout bronzé, il revient de je ne sais où mais il a le sourire. on dirait qu'on tourne une pub pour le bonheur tous les deux. 

Mardi 9 février 2010 à 23:13

il y a des rats partout. la psychose s'installe très vite, il fait un froid sibérien et courir si un rat mutant s'approche de nous est tout bonnement impossible. un clochard vient vers nous et nous offre des sardines avec des carottes râpées. c'est le monde à l'envers. bientôt, il nous fait un cours d'histoire sur la guerre d'algérie qui a été censurée par nos profs ou par nos oreilles, et les sacs plastique qui ressemblent à des rats, on les oublie.
porte de la villette, samedi six, l'autre me dit que ça fait deux ans qu'il me voit par ci par là, et qu'il a jamais été assez ivre pour oser venir me parler. je lui demande s'il l'est assez aujourd'hui et il répond, non, mais toi tu l'es, enfin, on dirait. je ris. et mon sourire est si joli qu'il ne peut pas être celui d'une fille bourrée. le barman, que j'ai la chance de connaître, ne s'y prendrait pas autrement s'il voulait me violer  : dès que j'approche du bar, il m'offre une bière. ce type est tellement beau que n'importe qui le prendrait pour une pédale.
montparnasse, vendredi treize, la carte bancaire ne passe pas au monoprix. on veut juste du jus de pamplemousse. un type noir à béret rouge passe devant moi et sourit au ciel comme s'il le remerciait de quelque chose. il s'approche vers moi, me serre la main. c'est vrai que j'ai pas vécu de grandes choses dans ma vie mais, ne pas se faire rentrer dedans par quelqu'un dans paris, pire, se faire serrer la main par un inconnu même pas bourré, c'est effarant.
montparnasse, vendredi treize, la carte bancaire n'est pas passé mais il reste une clope à b. le noir arrive vers nous avec son béret rouge et prend la main de b comme il prendrait celle d'un nourrisson. délicatement, il y glisse une pièce de deux euros et b. rit super fort parce que cette journée n'est pas si dégueulasse. les gens nous regardent bizarrement : rire à paris, ça ne se fait pas.
montparnasse, deux jours plus tôt. on a adopté un chat qu'on a appelé pauly et qui nous aime même si on pue. b dit, il y a deux euros dans le trou là. les deux euros seront les miens puisque mes mains sont les plus fines.
cet endroit devient l'endroit des deux euros.
montreuil, il y a un an, p dit, va pas croire que j'ai des problèmes juste parce que toi t'en as.

Mercredi 13 janvier 2010 à 15:23

il dit que cette façon que j'ai de cracher mes glaires dans ses chiottes, en tortillant mon cul taille quarante dans une culotte taille quarante huit en lycra, c'est le comble du sexy. il est comme ces gens là, ceux qui trouvent que ma vulgarité congénitale fait de moi la gonzesse la plus féminine qui soit. on a brièvement parlé du mot, imposteur, et, étant encore alcoolisée, j'ai discutaillé sur le fait complètement injuste que ce mot ne possède justement pas de féminin. il a répondu, c'est peut être parce que l'imposture est un truc typiquement masculin. j'avais mille choses - certes aussi stupides les unes que les autres - à rétorquer, mais moi, un type qui ponctue ses phrases par un sourire malicieux, ça me donne envie de tousser grassement la tête dans la cuvette.
dans le métro, y'avait un pauvre qui hurlait aux néons : j'étais à l'hôpital hier, mais là bas, je pouvais pas boire à ma soif, alors je me suis barré. il nous a zieuté ma gueule de bois et moi, et a gueulé, demain, moi je vais à invalides. j'ai alors demandé, invalides de quoi. il a ri comme si j'étais une blague, puis il a répété très sérieusement, demain, je vais à invalides pour voir sarkozy. puis en hurlant, mais attention, j'y vais pas avec mon bonnet. c'est à ce moment précis que j'ai sombré dans l'hilarité la plus totale.

Mercredi 6 janvier 2010 à 7:05

de loin, je fixe le type allongé de tout son long sur les marches d'escalier qui descendent vers le lac gelé. je le guette. longtemps. dans mon dos, ça parle de pissenlits et de capuccino à cinquante centimes. « pas de doute il est mort », me dit un gars en s'approchant. puis il rit. sans savoir pourquoi, je ne ris pas, et affirme avec sérieux que les morts ne respirent pas.
il est resté comme un pic, à côté de moi, à regarder le râle glacé de notre macchabée. c'est bizarre, mais ça m'a rendue un peu triste.

Mercredi 30 décembre 2009 à 1:03

jp, il a eu genre une cartouche de clopes sous le sapin, du coup, il filait des clopes à tout le monde. tout le monde, ça fait beaucoup quand on est neuf, compressés dans un appart minuscule, à parler d'avortement, de l'extrême gauche, ou de combien on était moches au collège. ça fait beaucoup ouais. jp sentait la lessive, celle que j'aime bien. celle que j'ai pas chez moi. il dit des mots comme, péquenot, et des phrases comme, je suis amoureux de toi, et qu'il le pense sérieusement ou pas, je m'en fous, mais qu'il le dise, j'aime bien.
 

Dimanche 27 décembre 2009 à 1:19

dans la foule, c'était le téléphone arabe, la rumeur circulait de tympans en tympans. « il va y avoir parabellum meuf ! » voilà ce que m'a hurlé michel à l'oreille. michel c'était un pauvre, il sentait mauvais et tout. il taxait les bouteilles de tout le monde, et me laissait boire avant lui, imaginant sans doute que boire au même goulot qu'un pauvre, ça me dégoûterait. quand un type a jeté des pommes vertes du camion, j'en ai attrapé une au vol et l'ai tendue à michel. il a ri comme un fou. un pauvre fou. un pauvre fou à qui il restait, à tout péter, trois dents. j'ai ri aussi en lui glissant à l'oreille que, ne plus pouvoir manger de pommes vertes, ça devait être un supplice, puis je l'ai quitté pour revenir avec une bouteille de jus de pomme. il a encore ri. il était bourré ce con. puis michel a disparu je ne sais où, sans doute ivre mort sous les pompes de quelques manifestants. d'un côté, je m'en foutais parce que je discutais avec deux types - dont un que j'ai vite surnommé guernica en hommage à son visage complètement déstructuré - qui me payaient l'apéro. on a finalement fini l'après midi sans guernica qui se considérait trop sobre pour nous supporter. et c'est là, entre deux flaques de vomi, sur la place de la nation, qu'on m'a embrassée pour la première fois.

Vendredi 4 décembre 2009 à 14:24

j'ai toujours détesté le café. j'ai bien essayé d'en boire pendant un moment, imaginant sans doute que le goût se développerait avec la maturité, mais non. je me suis alors forcée. forcée parce que j'ai toujours su que viendrait ce jour où, arrivée chez un inconnu, emmitouflée dans mon écharpe en laine, la morve au nez et les cheveux trempés, on me proposerait un café, et j'aurais voulu répondre en reniflant, oui. serré. ou un truc du genre. un truc de grands. quand ce jour est finalement arrivé, j'ai répondu, non, euh par contre, t'as pas du lait. ça m'arrive souvent ça. de regretter une phrase alors que je suis en train de la prononcer, c'est sûrement la raison pour laquelle j'évite au maximum toute communication avec les autres. avant même de finir ma réponse-question, j'ai donc su que, pour lui, je resterai à jamais la fille qui réclame un bol de lait. la fille qui appelle sa mère à huit heures du mat' pour dire, je suis vivante. la fille qui retourne sa culotte au réveil, après une éventuelle douche. j'avais vu juste.

Mardi 17 novembre 2009 à 1:00

quand j'étais môme, j'avais l'impression de tomber amoureuse constamment, et c'est dingue le nombre de ruptures imaginaires dont j'ai souffert. j'aimais. pas d'amour mais de quelque chose, et ça m'était précieux. dans mon adolescence, j'ai compris qu'aimer n'était pas pour moi. j'en rêvais avec la pudeur qui me caractérise, mais les voir s'abrutir pour si peu me rendait malade, alors je sortais de grandes phrases de misanthropes qui ne voulaient pas dire grand chose et qui, de ce fait, avaient l'air terrifiantes de vérité. j'en étais arrivée au point où je méprisais, puis détestais les autres. quand j'y repense maintenant, c'est moi que je déteste. je me déteste parce qu'à force de tous les haïr, j'ai arrêté de rêver en cachette d'un amoureux que j'aurais surnommé chéri. et j'admire ces gens qui s'engagent dans une quelconque relation, tout en sachant qu'elle se terminera par un violent retour à la réalité. je suis restée cette petite chieuse de cinq ans qui fait la gueule quand ses demi frères viennent la voir à noël parce qu'elle sait que le lendemain, ils repartiront, et ne reviendront que l'an prochain. je suis restée cette enfant qui ne voit que la fin des bonnes choses, et pas leur contenu.
 

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